De la physique des matériaux à la résilience du milieu intérieur

Dans ses Leçons sur les Phénomènes de la Vie (1878) Claude Bernard énonçait le principe selon lequel « La fixité du milieu intérieur est la condition de la vie libre, indépendante ».  De nombreuses espèces animales, en particulier les oiseaux et les mammifères, ont la possibilité de maintenir dans des limites étroites les caractères physico-chimiques de leur milieu intérieur en dépit des variations parfois importantes de leur milieu de vie. Cette stabilité relative du milieu intérieur a été nommée homéostasie par le physiologiste américain Walter Cannon. Elle est définie par un certain nombre de constantes, telles que la température, la pression osmotique, la pression artérielle, la glycémie. Le maintien de ces constantes est à la base de toute la physiologie des régulations. Ces processus physiologiques participent à l’adaptation de l’individu à son milieu [aptare ad, ajuster en vue de...].

Le terme stress, du vieux français estresse, nous est revenu par la langue anglaise [ME. stresse < OFr. estresse < VL *strictia < L. strictus, STRICT]. Il signifie à la fois la force exercée sur un corps (=strain) et qui le contraint ou le déforme, et la réaction opposante du corps qui résiste à cette force. Il fait donc référence à la fois à la cause d’une perturbation et à ses effets. Leur dissociation a été introduite lors de l’étude de l’élasticité des matériaux et s’exprime par la loi de Hooke, selon laquelle il existe une relation linéaire entre la contrainte et la déformation. Au delà de la limite élastique, le matériau conserve une déformation permanente. Si la contrainte augmente encore, on entre dans la zone de rupture. Le coefficient d’élasticité, la zone de plasticité et la limite de rupture sont des caractéristiques physiques des matériaux. Ce modèle physique a été et il est encore utilisé en biologie du stress, et s’applique aux forces de l’environnement qui s’exercent sur les équilibres homéostatiques. Ces forces induisent des modifications adaptatives, qui entrent dans le cadre des régulations physiologiques, jusqu’à une limite au-delà de laquelle des processus nouveaux sont mis en jeu. Dans ce contexte, le terme de stress implique une rupture des processus d’adaptation et comporte donc une connotation négative.